Nouvelle écrite par Thibault HAMANN, élève de Terminale au lycée Louis Pasteur de Besançon (25) – Classe de Mr Benjamin Sanchez
Sur le thème : « Droits acquis : la vigilance s’impose pour les préserver »
– Sheïla dors-tu ?
– Non, mais toi tu devrais, recouche-toi, il fait encore nuit.
– J’ai fait un rêve Sheïla, il était magnifique.
Après un silence Sheïla répondit : « bah raconte-moi, andouille »
– J’ai rêvé que j’étais une alouette, et que je m’envolais dans le ciel…
Sheïla chuchota : « Il est très beau ton rêve ma chérie, garde le bien dans ta mémoire. Il faut le conserver au creux de son cœur un rêve comme ça, mais ne le dis à personne. Même pas à maman.
– Dis, tu voudrais être une alouette aussi Sheïla ? ou une cigogne ! ou un aigle ! Comme ça on voyagerait ensemble !
– Je pense qu’au fond nous voulons toutes être des oiseaux, Anihita, toutes.
-Tu penses que maman aussi veut être un oiseau ?
– Avec son caractère moi je la vois plutôt comme une poule qui couve ses œufs mais ne s’envole pas.
Elles rigolent
Tu savais qu’elles ne migrent pas les poules ? Elles restent bien dociles sans s’imaginer qu’un ailleurs est possible. Je l’avais lu dans un livre sur la migration des oiseaux : certaines espèces partent à la recherche de conditions meilleures pour leur survie. C’est aussi une manière pour elles d’échapper à un changement d’habitat.
– Je pourrai le lire aussi ce livre ? Il est où maintenant Sheïla ? Maman te l’a aussi confisqué ?
– Je ne sais pas, peut-être, mais je te le raconterai.
(…)
Tu sais maman depuis qu’ils sont arrivés, elle est différente ; elle a peur. C’est ainsi quand on nait fille et qu’on a des filles. Et puis tu sais, de la d’où elle vient, elle n’a pas pu aller à l’école.
– Mais moi non plus je ne peux plus aller à l’école. Ça veut dire que je vais devenir comme maman ? Moi j’aimais bien l’école avant. J’aimerais bien revoir Aïcha, Rohaya et Shadi. Je me demande si elles ont pu garder leurs cahiers, elles. Je me demande aussi où est la maitresse, ce qu’elle est devenue. C’est injuste, toi tu as pu y aller, pourquoi moi je ne peux pas ?
– C’est à cause d’Eux, Anihita, Ils imposent de plus en plus leurs idées contre nous. Plus ils auront du pouvoir, plus nous serons effacées. Ils sont dangereux et Ils ne veulent pas que tu aies une éducation. Mais ne t’inquiète pas je t’apprendrai tout ce que je sais.
– Mais c’est différent.
– Oui c’est différent mais pour l’instant c’est comme ça.
– Mais pourquoi ils ne veulent pas que j’aille à l’école ?
– Parce que tu es une fille, Anihita.
– Mais moi je n’ai pas demandé à être une fille. Si j’étais un garçon cela aurait été plus simple.
-C’est n’est même pas sûr, regarde papa, est-ce qu’il est heureux ?
– Oui mais papa lui au moins il peut sortir et voir ses amis. Un silence. Mais qu’est-ce qu’on a de si différent pour qu’Ils ne nous aiment pas comme ça ?
– Au contraire ! Ils nous aiment tellement que nous leur faisons peur. Et cette peur s’est transformée en obsession qui leur fait promulguer des lois pour anéantir notre pouvoir. Tu te rends compte de la force des femmes ?
– Mais quelle force ? Nous sommes petites et toutes fragiles !
– Détrompe-toi, les femmes qui lisent sont dangereuses. Ils s’imaginent que tu pourrais devenir une bête féroce.
– Mais c’est en m’empêchant de rire et de chanter que je risque de devenir une créature inanimée…un tube digestif même …
– Arrête de me faire rire Ils vont m’entendre ! et qui sait ce qu’ils peuvent me faire !
– Maman m’a dit qu’on risquait de devenir un tas de cailloux
Leur rire s’estompa avec cette pensée effroyable.
Les deux sœurs se regardèrent dans les yeux avec l’inquiétude de l’avenir.
Sheïla osa fredonner un chant à sa sœur tout doucement pour ne pas se faire entendre. Le chant matinal des oiseaux l’accompagnait.