Rayegan

(رایگان) Rayegan, une nouvelle écrite par Guillaume GAUTHIER, élève de 1e au Lycée Claude-Nicolas Ledoux de Besançon (25) – Classe de Mme Mélanie Potevin

Sur le thème : « Les discriminations : sources de violence ? »

« À Madame Prieur, sans qui vous ne seriez pas en train de me lire. »

Anahita, est une jeune fille iranienne de 7 ans très mignonne – trop – tellement qu’un éminent membre de l’armée iranienne la remarque, il se nomme Jahandar Larijani. Il a 63 ans mais dans la société iranienne cela ne gêne pas, du moins ça ne gêne pas la famille d’Anahita. Quant à la petite fille, elle ne comprend pas ce qu’il se passe, Jahandar lui dit que c’est la volonté de Dieu, que c’est Dieu qui décide de tout et que leur rencontre n’est pas due au hasard, c’est Dieu.

 

Désormais Anahita a 17 ans, Jahandar lui offre un cadre de vie qu’elle n’aurait jamais pu espérer dans le petit village où elle habitait avec ses parents. L’homme est devenu encore plus influent au sein du pouvoir iranien, il arrive souvent que le guide suprême lui-même vienne leur rendre visite. Anahita loge seule avec lui à Téhéran dans un appartement luxueux caractéristique des membres importants du parti. Elle ne sort que rarement, mais seule n’en parlons même pas. Ses excursions, seule au sein de la capitale, se comptent sur les doigts d’une main depuis sa jeunesse et c’est toujours avec l’accord de son mari. Mais lors de sa dernière sortie il y a deux jours, son mari est remonté chercher quelque chose lorsqu’elle a vu ce jeune homme d’environ son âge, un peu plus vieux peut-être, ou un peu plus jeune elle ne le sait pas ; mais ce qu’elle sait c’est que ce dernier l’a regardée. Ce regard qu’elle a croisé, c’est le premier de ce type, il ne la regarde pas comme un objet, mais comme une personne, elle n’avait pas ressenti cela depuis sa plus tendre enfance. Cette rencontre la marque, elle veut revoir cet homme, non pas car elle est tombée amoureuse, mais elle veut recroiser ce regard qui la considère, qui la voit comme un être, mais elle sait que cela ne va pas être chose aisée. En effet, depuis peu le pouvoir iranien fait face à de nombreuses contestations et se balader à Téhéran seule n’est pas sans risque, surtout pour une femme. Mais avec les manifestations, Jahandar est très occupé, il voyage aux quatre coins du pays pour essayer de régler les problèmes avec les chefs des provinces. Ceci laisse Anahita seule et, alors qu’elle occupe ses journées comme elle peut, elle revoit l’homme par la fenêtre, et elle remarque que c’est presque à la même heure que la dernière fois. Cette fois, l’homme ne la voit pas et passe l’air de rien.

 

Le lendemain, il repasse à la même heure, toujours sans la voir. Jahandar rentre dans quatre jours, il faut donc qu’Anahita se dépêche. Le lendemain, elle se poste sur le palier de la porte à l’heure où l’homme passe habituellement, et il passe. Cette fois il la voit, mais surtout, il la salue d’un hochement de tête, certes, mais cela veut dire beaucoup pour Anahita qui imite immédiatement le geste fait par le jeune homme. Le lendemain elle répète l’opération, mais cette fois l’homme vient lui parler. Il la salue et lui demande son nom. Ces paroles laissent Anahita sans voix, il faut dire que c’est la première fois qu’un homme lui adresse la parole sans que son mari ne soit avec elle. Elle s’empresse de répondre et de l’inviter à boire un thé, elle sait très bien que la rue n’est pas un endroit sûr et que les yeux du chef suprême sont partout. L’homme accepte volontiers son invitation. Pendant qu’ils montent les escaliers elle apprend son nom : Azad, ce nom résonne dans sa tête car il signifie “libre”. Azad est surpris qu’Anahita l’invite dans un tel appartement, il la questionne donc à ce sujet. Elle répond qu’elle est la fille d’un membre important du parti et que c’est un appartement mis à sa disposition par le pouvoir. Elle s’empresse de dire qu’elle n’est pas mariée, car elle sait, elle sait très bien que cet homme fuira le pays dès qu’il saura à qui elle est mariée, autant donc repousser cette échéance le plus longtemps possible.

 

Azad est un jeune homme charmant, issu d’une famille de classe moyenne, il a réussi à intégrer la prestigieuse université d’histoire de Téhéran, où il étudie l’histoire coranique. Après avoir fait connaissance, Azad dit à Anahita qu’il va partir en voyage en Arabie saoudite, à Médine, la ville où est décédé le prophète. Il partira le lendemain et reviendra une semaine plus tard. Il propose aussitôt à Anahita de la revoir, mais cette dernière sait pertinemment que ce n’est pas possible, Jahandar rentre dans deux jours … Cependant pour ne laisser peser aucun soupçon, mais aussi car elle en a envie, elle accepte la proposition d’Azad. Il est 18 heures lorsqu’Azad part, il laisse un grand vide dans l’appartement d’Anahita. Cette dernière reste assise pendant une heure à contempler la vie de la capitale par la fenêtre. Elle sait ce qu’elle a fait, elle se rend compte de la gravité de ses actes, mais peu importe, pour la première fois de sa vie elle a vu l’amour en face.

 

Deux jours ont passé depuis qu’Azad est rentré dans la tête d’Anahita, et on ne peut pas dire qu’il en soit sorti, elle pense à lui à n’en pas dormir la nuit, mais le retour de son mari aura eu raison de son bonheur temporaire. Il est plutôt de bonne humeur et content de rentrer chez lui. Le jour suivant, Jahandar s’empresse d’aller chercher le courrier car il attend un courrier important. Lorsqu’il ouvre la boîte aux lettres, il n’y a pas un, mais deux courriers. Cela ne le déconcerte pas et il prend les deux lettres. Il ouvre d’abord la première, c’est une lettre du chef suprême, écrite à la main. Ce dernier lui souhaite un bon mois de ramadan, il est plutôt rare de recevoir une lettre manuscrite d’une personne si importante et c’est pour cela que Jahandar est fier, il s’empresse de la montrer à Anahita qui par habitude fait mine d’être heureuse pour son mari. Après l’euphorie Jahandar se penche sur la deuxième lettre qui lui parvient d’un certain Azad, un nom qui lui est inconnu. Lorsqu’il ouvre la lettre il voit qu’elle est adressée à sa femme, qui est dans la cuisine et il lui demande donc au loin si elle connait un homme nommé Azad. Anahita se décompose, elle ne sait pas quoi répondre, elle est pétrifiée. Mais elle sait qu’elle n’a que quelques secondes pour se sortir de ce pétrin elle répond donc un oui hâtif. Elle pose son couteau et se dirige vers la chambre qui donne sur l’arrière-cour tandis que son mari lit la lettre :

 

« Chère Anahita, votre rencontre m’a été fort agréable, je suis actuellement en voyage dans ce magnifique pays qu’est l’Arabie saoudite. La ville de Médine est un puits sans fond de connaissances sur notre religion qui m’apportent paix et retraite spirituelle. Je vous envoie cette lettre pour vous souhaiter un bon ramadan. Que cette période vous soit douce, favorable, remplie de paix pour vous et votre famille. Rien ne me comblerait plus que votre présence à mes côtés durant ce voyage, je pourrais vous conter de multiples anecdotes sur la vie du prophète disséminée dans tous les recoins de la ville. Peut-être, un jour, ferons-nous ce voyage ensemble, en finissant notre chemin vers la Mecque. En espérant vous revoir dès mon retour à Téhéran, votre bon ami, Azad. »

 

Jahandar n’a pas fait un bruit pendant la lecture de la lettre, il est stupéfait et fou de rage. Comment sa femme a-t-elle bien pu faire cela, le trahir de la sorte ? Il se dirige donc vers la cuisine pour confronter sa femme à la situation et par ailleurs lui donner une bonne leçon de ce qu’est la vie de couple en Iran. Il trouve une cuisine vide, le couteau encore suintant du jus des tomates qu’Anahita coupait. Jahandar se précipite dans la chambre en appelant Anahita de sa voix grave et vieillissante. Il trouve encore une fois une pièce vide avec la fenêtre ouverte. Il comprend instantanément et se dirige en courant vers la rue où donne la cour intérieure de l’appartement. Il ne lui est pas aisé de courir à 73 ans, mais il fait de son mieux. Une fois dans la rue, il sent une forte douleur thoracique qui l’empêche d’avancer. Il s’arrête pour reprendre son souffle, mais s’effondre au milieu de la foule.

 

Son décès sera prononcé quelques heures après à l’hôpital général de Téhéran. Une crise cardiaque… peut- être aussi… la volonté de Dieu.