Résister

Nouvelle écrite par Romane WERLEN et Deva MINON

sur le thème « La grande pauvreté, une violation des Droits Humains »

 

Je m’appelle Koffy et j’ai 35ans. Depuis la mort de leur mère, je vis et j’élève seul mes 5 cinq enfants. Nous sommes congolais de la République démocratique du Congo. Nous vivons dans un bidonville à la périphérie d’une petite ville.

J’ai vécu dans une campagne pauvre grâce aux revenus de ma terre. J’aidais ma famille aux champs en m’occupant des animaux. Je n’ai pas pu aller à l’école car mes parents n’en avaient pas les moyens. Nous vivions dans la région du lac Kivu ou de nombreuses guerres ont eu lieu. Je me souviens encore de la peur qui me rongeait, des cris frénétiques des combattants. Ces combats ont tout détruit ; les terres agricoles, les villages, les commerces, et la confiance envers ses voisins, proches … Nous ne contrôlions plus la situation, on passait notre temps à nous réfugier, nous méfier. La vie était déjà très compliquée, car nous étions extrêmement pauvres, l’arrivée des guerres n’a rien arrangé.

J’ai tout perdu, ma famille, mes terres, mes animaux.

 

J’ai donc décidé de fuir avec ma femme vers une banlieue plus stable. J’ai alors fondé ma famille dans ce bidonville. Ma femme est morte quelques années après d’une maladie, le paludisme. Nous n’avions pas les moyens d’acheter le traitement, ni d’équiper notre modeste demeure de moustiquaires. Je ne m’en suis jamais remis, elle était tout pour moi je l’aimais éperdument.

La vie est dure, je fais plein de petits boulots pour subvenir aux besoins de mes enfants. Les conditions sont rudes, nous vivons sous des tôles ondulées et des murs en terres séchées. Nous n’avons pas d’accès à l’eau courante dans le village, il faut marcher jusqu’à la fontaine publique. Il n’y a pas d’accès aux soins à moins de payer de grosses sommes, ce qui est impensable pour mon modeste salaire. Aller à l’école coûte aussi trop cher et je ne peux pas me permettre d’y envoyer mes enfants.

C’est pour cela que mes enfants doivent travailler pour nous aider ; mes filles de 6 et 8 ans ramassent des détritus pour ensuite les revendre. Mes garçons travaillent à la mine, leurs conditions sont misérables. Ils sont payés 1dollar de la journée, avec des structures bancales qui risquent de s’effondrer à tout moment. Chaque jour, je crains pour leur vie mais je ne peux pas les retenir. Nous avons besoin de leur maigre salaire pour survivre.

Ils sont exploités par de grandes entreprises qui ne se préoccupent pas des conditions de sécurité ni de l’impact environnemental. Leur but est de pouvoir récolter le plus de minerais, qu’ils vont pouvoir ensuite revendre aux occidentaux afin de produire des batteries de téléphone, de voiture… 

La tentation est forte de voler ces minerais dans les mines. J’ai interdit à mes filles de le faire car cela est trop dangereux mais elles ne m’écoutent pas. De nombreux vols sont commis tous les jours. Pour empêcher cela, les dirigeants payent une milice pour renforcer la sécurité. Ils n’ont aucune humanité, ils tabassent les mineurs et quand quelqu’un a le malheur de s’infiltrer pour voler ils tirent. Plusieurs travailleurs et voleurs sont morts sous les coups de ces personnes. Nous avons peur. Tous.

 

L’extraction de ces métaux rares demande de grandes quantités de produits chimiques, d’explosif et d’eau ; cela détruit la santé des travailleurs mais aussi cela détruit l’environnement, la faune et la flore. Les populations qui ont déjà tant souffert des combats, des sécheresses et de la famine, doivent en plus faire face à cette pollution. La transition écologique des pays riches se fait au détriment des pays pauvres ou au moins des habitants les plus démunis. Est-ce à nous de payer pour le dérèglement climatique provoqué par les excès des grandes nations ?

Ils nous avaient déjà exploités aux temps anciens pour faire de nous des esclaves. Puis dans les temps coloniaux en exploitant nos matières premières : cacao, pétrole, sucre, … et maintenant ces métaux rares… les jours passent, l’esclavage reste.

Les occidentaux ne sont pas les seuls à s’enrichir sur notre dos : les Chinois investissent massivement sans plus d’intérêt pour l’environnement ou la sécurité des travailleurs ; et nos dirigeants s’enrichissent également. Si au moins une partie de cette richesse était utilisée pour développer le système de soins, le rendre accessible et équitable ! Ou l’école, pour que nos enfants évoluent et accèdent à une meilleure vie !

 

En quittant la campagne et en me rendant en ville, j’espérais tellement pouvoir gagner ma vie honnêtement et offrir à mes enfants de quoi vivre dignement ; pouvoir manger à leur faim tous les jours, pouvoir étudier et apprendre un métier pour qu’ils puissent à leur tour fonder leur propre famille. Je sais que cette vie de grande pauvreté pousse les plus courageux ou les plus désespérés à partir vers l’Europe et la France. Tenter la traversée de l’Afrique puis de la Méditerranée dans des conditions épouvantables et tellement risqué ! Dans le but de gagner peut-être suffisamment pour envoyer au pays. Avec le risque de tout perdre. À commencer par la vie.

Alors je lutte tous les jours un peu plus, pour qu’aucun ne parte, pour que tous restent et que l’on permette, peut-être un jour aux jeunes d’aller à l’école.

 

Ma lutte passe par mon témoignage. J’écris. Je VOUS écris pour rappeler à quel prix les puissances s’enrichissent sur la misère des plus faibles.