Nouvelle écrite par Pauline VIRAZELS
sur le thème « La concentration des médias, un risque pour la démocratie ? »
La multinationale World Company du riche milliardaire James Old, possède aujourd’hui une des plus grandes chaînes d’information au monde. Son siège est principalement établi à Paris dans le 8ème arrondissement. Dans le bureau du multimilliardaire, peu de choses sont entreposées. Sur son bureau, cohabitent des documents avec un stylo posé sur l’ordinateur portable et une photo de lui avec le procureur Waste à la pêche. Il reçoit régulièrement des visiteurs comme ce matin là, il y a trois semaines.
Il reçut le PDG de Goliath, Christian Harrold. Ils s’assirent chacun à une place et commencèrent à discuter. James Old lui demanda sarcastiquement ce qu’il pouvait faire pour lui. Malgré le dédain ressenti et la moquerie flagrante, Harrold dut se résoudre à supplier. Il lui parla de la polémique à laquelle son entreprise faisait face et du mécontentement de la population.
Old lui proposa : « Ecoutez, je pourrais vous envoyer une équipe qui fera un reportage dans l’une de vos entreprises pour montrer les aspects positifs de celle-ci. Mais aussi décrédibiliser et dénigrer les manifestants en montrant, en majorité, leurs ravages. Pour le reste il faudra voir avec le procureur Waste, c’est un bon ami à moi. Seulement voilà, tout cela a un prix, rien n’est gratuit. ».
« Je vous rendrai tous les services que vous souhaitez. » lui rétorqua-t-il. Il le remercia en lui prenant la main et en se penchant en avant. Mais Old lui dit : « Rappelez-vous. Vous me devez un service désormais. ». Harrold hocha la tête et partit.
La secrétaire entra. « Quelqu’un d’autre souhaite me voir ? » demanda Old. La secrétaire lui répondit : « Le député Liar, réclame une audience auprès de vous. Il aimerait que vous l’aidiez à le faire remonter dans les sondages. ». Le milliardaire, sceptique, attendit pour répondre et réfléchit.
« Tout dépend de ce qu’il peut me donner. Je suis doué mais je ne fais pas des miracles. Il valorise la famille mais trompe sa femme, veut paraître savant mais ne voit pas plus loin que le bout de son nez. Il me ferait juste perdre de ma crédibilité et par conséquent de mon influence. » pensa-t-il.
« Nous verrons cela plus tard, dit-il à la secrétaire, parlez-moi plutôt des prochains reportages qu’aimeraient mettre en place nos journalistes. ». La secrétaire regarda sa tablette et exposa les sujets : « Nous avons trois reportages. Le premier est sur la pauvreté, le second parle de l’expulsion de nombreuses personnes de leurs logements ruraux par l’Etat chinois pour installer des panneaux solaires et le dernier est sur les voyages. Quant au journal de ce soir, nous avons prévu de montrer le quotidien des habitants d’un immeuble dont la chaudière est en panne depuis quelques jours.». Old ne prit que quelques secondes de réflexion avant de donner sa réponse. Il ordonna « Ne parlez que de la pauvreté qui se trouve dans les pays étrangers. En Chine il y a bientôt une fête nationale qui devrait attirer beaucoup de monde, parlez plutôt de cet événement. En ce qui concerne les voyages et un des reportages du journal de ce soir, c’est parfait. ». Elle lui répondit qu’elle allait en informer la direction.
« La population doit continuer à croire que, comme nous sommes un pays développé, la pauvreté n’existe que dans les autres pays, et que cette pauvreté n’est représentée que par des sans-abris. Pour eux la pauvreté se résume à la rue et non aux personnes dans le besoin comme une femme de ménage, célibataire avec un enfant. Cela évitera les révoltes car il y a de plus en plus de personnes dans le besoin. Certes, il y a des problèmes comme l’inactivité d’une chaudière mais le montrer aux journaux télévisés fera penser à la population qu’elle n’a pas de problèmes nationaux plus graves et donc que le pays est bien dirigé. L’illusion que constituent les voyages doit perdurer car le peuple travaille sans se plaindre pour obtenir l’argent qui payera ces voyages. Du moins, une partie seulement de la population pourra accéder au rêve de partir à l’étranger, l’autre moitié ne le touchera que du bout des doigts car leur salaire n’est pas suffisamment élevé. Ils ont juste assez d’argent pour avoir peur de le perdre. Contrairement aux Etats-Unis nous ne pouvons pas nous permettre d’avoir la Chine comme ennemie. De plus, elle compte investir dans les ressources d’hydrogène que nous avons découvertes en Alsace récemment. Le premier ministre me l’a confirmé il y a peu, le président en était ravi. Malheureusement cela a un prix, nous devons mettre les mêmes informations en continu. » se murmura-t-il à voix basse.
Il rejoignit sa secrétaire devant l’ascenseur. Ils montèrent dans l’ascenseur et descendirent tous les deux. Pendant la descente, il donna ses directives à sa secrétaire. La sonnerie résonna dans l’habitacle et les portes s’ouvrirent. Le milliardaire marcha en direction de la sortie, une main dans la poche. Quant à sa secrétaire, elle le suivait, un pas en arrière. Une sublime voiture noire avec un chauffeur les attendait. Ils y entrèrent tous deux.
Le chauffeur commença à rouler en direction d’un restaurant et Old commença à parler. « Où en sommes-nous avec les sociétés étrangères ? Elles veulent toujours nous remplacer ?» demanda-t-il. « La société américaine Corpe a fait une offre que l’Etat ne peut pas refuser. Si nous voulons les devancer il va falloir agir maintenant et faire une meilleure offre. Mais ce n’est pas le seul problème » répondit-elle. Il dit ironiquement avec un sourire en coin : « Quelle autre menace pèse encore sur nous ? ». Elle certifia qu’une autre entreprise, chinoise cette fois-ci, était sur le point d’implanter un nouveau produit sur le marché européen. Cette décision sera prise lors du conseil européen qui se tiendra dans trois semaines. Les rides au bord de ses lèvres s’affaissèrent pour laisser place à des lèvres statiques qui laissèrent s’échapper un rictus.
« Tout s’explique. Si l’entreprise américaine Corpe fait une offre si généreuse au gouvernement français pour rembourser ses dettes, ce n’est pas par charité, mais parce qu’elle a bel et bien un intérêt. Cette entreprise exporte ses produits dans le monde entier, en particulier en Europe. Elle est très prospère sauf en Chine. L’entreprise chinoise, quant à elle, vend les mêmes produits mais à des prix nettement inférieurs. Jusqu’à présent elle ne vendait qu’au niveau national. Désormais elle constitue une menace pour l’entreprise américaine. Le conseil européen aura lieu dans trois semaines et la France, l’un des six pays fondateurs de cette union, n’a pas encore utilisé son droit de veto. Une fois ce droit utilisé, l’entreprise chinoise ne pourra pas vendre ses produits dans l’Union et Corpe n’aura plus de concurrents. Ma secrétaire se trompe, ce n’est pas nous qu’elle veut attaquer mais l’entreprise chinoise. Cela ne change rien. Elles sont toutes deux concentrées sur l’autre. Il est temps pour moi d’intervenir. ». pensa-t-il. Il indiqua au chauffeur de changer de direction. « Où dois-je vous emmener monsieur ? » demanda-t-il. Il répondit : « A l’Elysée ».