Nouvelle écrite par Marie Jeannerot, Mallaury Marconnet et Louve Reyle du Lycée Pergaud de Besançon (25)
Thème : « Les enfances en danger »
Deux. Plus que deux. Depuis maintenant plusieurs heures, ce chiffre m’obsède. Je dois aller jusqu’au bout. Je n’en peux plus de jouer.
Je suis née dans un monde rose et plein de paillettes, où le Jeu ne s’arrête jamais. Il n’y a ni gagnants, ni perdants. Evidemment, tous mes amis y participent. C’est comme un immense parc d’attraction qui ne ferme jamais. Malgré mes douze ans, je peux tout faire à l’intérieur de ce parc. Les couleurs dansent devant mes yeux, ma tête tourne, mais ce n’est pas désagréable. Comme ces regards qui me couvrent de douceur, qui parviennent à combler l’absence de Māmā. Tous les jours, c’est la même histoire qui se répète, le même scénario encore et encore. On s’habille, on se maquille, je dois être la plus jolie, la plus gentille et je pourrai dormir dans le Lit.
Le sol est humide sous mes pieds nus, le froid me transperce jusqu’ à la moelle. J’ai couru. J’ai couru jusqu’à sentir mes muscles brûler, ma chair se lacérer. Et je cours encore. Mon souffle est court, à chaque pas mon corps faiblit, mais ma détermination grandit. La carte n’a pas été très difficile à voler. L’Ombre a ses habitudes. Malgré son regard perçant et sa présence opprimante, les cinq minutes de pause nicotine sont amplement suffisantes. Maintenant, je sais où je vais. Ce n’est plus le même jeu. Il ne me manque maintenant que les clés pour sortir d’ici. Dehors s’étend la perle de l’Orient. Si proche et pourtant inaccessible. J’entends les bruits de la ville qui s’éveille, le brouhaha habituel des moteurs, des passants… L’odeur de Dimsun et de Jiaozi frits emplit mes narines. Comment ai-je pu passer toutes ces années cloîtrée dans cet endroit macabre ? Je m’arrête devant la grande porte d’ébène dorée. Derrière elle se trouve l’ultime objet. J’entre. Il est assis et me dévisage. C’est un regard que je connais, celui qu’on a tant posé sur moi. Je sais ce que je dois faire. C’est ce que je fais de mieux, ce que j’ai toujours fait.
Il dort à présent. J’attrape le trousseau et me glisse hors de la pièce jusqu’à atteindre le bout du couloir. Après cette porte, ma vie pourra enfin commencer.
« Ce jeudi 8 mai, le corps d’une jeune fille âgée de douze ans a été retrouvé dans le quartier de Wan Chai, à Hong Kong, laissé à l’abandon dans une ruelle. L’autopsie a révélé que celle-ci aurait été droguée, violée puis battue à mort par plusieurs hommes. D’après nos sources, elle pourrait appartenir depuis son plus jeune âge au réseau de proxénétisme, implanté dans le quartier. Cet incident tragique reste néanmoins commun dans cette zone de la ville où la violence fait rage. »