Nouvelle écrite par Maelys MASTROLIA
sur le thème « La justice internationale, outil de lutte contre l’impunité ? »
J’accuse toutes les personnes qui ont commis de tels massacres. La déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948 confère des droits inaliénables, sans distinction de sexe, de race, d’ethnie, de religion…
Je suis ici pour mettre en lumière le crime de génocide, qui est un acte commis dans l’intention de détruire tout ou partie d’un groupe national, ethnique, racial ou religieux.
Dans le cas présent, nous allons tenter de montrer la difficulté de ce type de procès ; nous sommes le 28 Février 2002, et nous sommes devant la Cour pénale de Paris pour juger de la culpabilité des auteurs des crimes qui ont eu lieu au Rwanda. C’est intolérable, et inhumain, les personnes ayant participé de près ou de loin à ces crimes doivent répondre de leurs actes. Nous allons être confrontés à la limite de cette Cour pénale qui n’est pas reconnue dans tous les pays, mais également à d’autres problèmes dus à la lenteur de ce type de procès.
Comment arriver à de tels actes de barbarie ? Avaient-ils conscience de l’ampleur de leurs responsabilités ? Avaient-ils conscience de l’impact sur les générations à venir ? Avaient-ils conscience des victimes indirectes ?
Il a été établi au Rwanda un tribunal international en 1994 pour juger et condamner les responsables des crimes contre l’humanité commis pendant ce génocide. Je sais de toute évidence que la tâche qui m’attend est immense mais je suis résolue à poursuivre les responsables et à rendre justice.
Vous, monsieur Kangwasimbi, avez participé à ces crimes. Vous n’avez sûrement jamais vu l’ampleur de la destruction et de la douleur qui a régné dans ce pays. Je travaille en étroite collaboration avec les enquêteurs internationaux et les avocats de la Cour pénale pour le Rwanda, ils ont collecté des preuves, interrogé des témoins et examiné les dossiers des accusés présumés. Mais la quête de preuves est complexe, puisque de nombreux témoins ont peur de parler et des documents cruciaux ont été détruits.
Je me heurte à l’horreur des témoignages des survivants et à l’ampleur des crimes commis ; malgré cela je dois rester impartial tout en étant profondément affecté par ce que j’entends et vois.
Eh bien non, vous ne pouvez pas savoir ! Puisque c’est vous qui avez critiqué, condamné, offensé ces millions de personnes, sans même vous soucier de leurs ressentis, de ce que cela pouvait bien leur faire de voir des personnes de leur entourage mourir sous leurs yeux, vous les avez traumatisés à vie. Ce qu’ils ont vécu, ce qu’ils ont vu, ce qu’ils ont entendu, ça ils ne l’oublieront pas, ils n’oublieront rien de ce qu’il s’est passé, même avec la meilleure des volontés ils ne pourraient pas.
Dites-vous qu’ils ont dû être confrontés petits et grands aux massacres créés avec vos armes, vous ne vous êtes jamais demandé ce que cela pouvait bien leur faire de se réveiller dans une panique immense après avoir entendu plusieurs de vos coups à répétition. Ou encore lorsqu’ils devaient se rendre dans une autre ville, ils avaient toujours la crainte d’être tués sur leur chemin, quand ils devaient passer les frontières et que vous étiez là, à les traiter comme des cafards qui devaient périr loin de vous. Mais savez-vous que cet antagonisme Hutu et Tutsi a créé une ligne de démarcation qui les a menés à devoir choisir d’être dans un camp plutôt qu’un autre, et que pour vous ce camp est comme un prénom qu’on nous attribue à la naissance, et avec lequel nous devons vivre toute notre vie. Mais, monsieur, cela n’est que votre ressenti à vous, et encore une fois vous ne vous êtes peut-être jamais mis à leur place, ils n’ont pas choisi de naître avec cette ethnie, ni de vivre avec, mais pourtant ils l’ont fait, ils se sont battus contre vous, tout ça pour quoi ? Parce que vous vouliez tout simplement avoir le pouvoir sur eux et même sur ceux qui sont de « votre côté »
Maintenant, nous allons commencer par exposer les faits qui vous sont reprochés, qui sont les suivants :
– D’avoir été un acteur majeur de la mise en place de la propagande et de la diffusion de discours haineux incitant à la violence contre les Tutsis, favorisant ainsi le génocide.
– D’avoir fourni des armes et des munitions aux milices Hutu extrémistes, notamment les Interahamwe, qui ont joué un rôle majeur dans les massacres de Tutsis.
– D’avoir pris part à des opérations visant à tuer des Tutsis, notamment en délivrant des informations et des instructions à des groupes armés.
– D’avoir organisé des barrages routiers pour intercepter et tuer des Tutsis qui tentaient de fuir les violences.
– Et il vous est également reproché d’avoir été informé des atrocités en cours et de ne pas avoir pris de mesures pour les arrêter ou les prévenir.
Je suis en charge de votre procès, je dois donc faire preuve de diligence, de patience et d’équité tout en assurant que Justice soit rendue.
J’ai dû résister aux pressions extérieures pour garantir l’intégrité du processus judiciaire. La quête de justice ne s’arrête pas seulement avec des verdicts, les victimes de génocide ont besoin de réparation, de soutien et de réconciliation. Je suis témoin de la volonté du Rwanda pour aider les survivants à se reconstruire ; ils sont tout autant confrontés à leur passé, douloureux, mais également nous avons tous un devoir de mémoire pour éviter de faire les mêmes erreurs que par le passé.
N’oublions pas, continuons à transmettre nos histoires personnelles et notre histoire commune de quelque manière que ce soit. Divers moyens sont à notre disposition : les lieux de tragédie comme Auschwitz-Birkenau ou encore les musées, les monuments aux morts, les cérémonies de commémoration, et bien plus que cela, les témoignages précieux oraux ou écrits des victimes. Des victimes de toutes les tragédies. Nous pensons notamment à Gaël Faye, Ginette Kolinka, Maryam Madjidi. Nous pensons notamment aux livres qui arrivent à nous mettre dans la peau du personnage qui a vécu toutes ces horreurs. Ainsi, dans l’optique d’une reconstruction identitaire, Maryam Madjidi, une écrivaine d’origine iranienne, raconte son enfance et sa jeunesse dans son roman Marx et la poupée : elle interroge de manière complexe et profonde les questions d’identité, de politique et d’appartenance culturelle à travers le prisme de l’expérience personnelle, elle offre une perspective riche sur les défis auxquels sont confrontées les personnes issues de l’immigration et les complexités de la construction de l’identité dans un contexte de multiculturalisme.
Je suis ici pour l’humanité.
J’accuse les forces de l’ignorance, de la haine et de la discrimination qui persistent dans notre société par votre faute.
Je condamne vos actes de violence, de racisme et d’intolérance qui souillent nos communautés et notre humanité.
Pour la vérité, pour la justice, pour l’humanité, nous devons tous nous unir, éduquer nos enfants et agir ensemble pour un monde meilleur et solidaire, où chaque individu sera considéré avec respect et égalité.