Nouvelle écrite par un élève de Terminale
sur le thème « La justice internationale : un outil de lutte contre l’impunité ? »
Je suis dans l’avion direction Pékin, Chine. Je prépare ce que je compte dire, ce que je compte défendre durant l’entrevue avec Xi Jinping qui m’attend ; cette visite est importante pour la sécurité, mais aussi pour la gloire de mon pays, qui est si cher pour moi. Je ne me fais pas un sang d’encre, mes gardes et conseillers se sont occupés de mon itinéraire. Ayant fini de préparer mon discours, je regarde le journal qu’un de mes hommes a posé sur la table à côté de moi, et je vois en grand titre qu’un nouveau mandat d’arrêt a été déposé contre moi, cette fois-ci de la France. Tous les jours, c’est la même chose. Je vois mon nom écrit dans les gros titres de la presse internationale, et je ne comprends pas. Pourquoi tant de personnes veulent-elles m’empêcher de garantir la sécurité dans mon propre pays ? Je suis la seule personne capable de diriger mon pays, et je me donne les moyens de rester au pouvoir, afin de faire ce qui est le mieux pour mon peuple. Chaque jour, je protège mon pays contre des terroristes, qui ne feront que semer la terreur au sein du peuple, en s’appuyant sur la mauvaise idéologie. Ils ne comprennent rien. Quelques minutes plus tard, un de mes conseillers m’annonce que le voyage sera un peu écourté. Je remarque un léger changement sur son visage, dans son regard, mais je ne saurais expliquer lequel. Je le questionne, pour essayer de comprendre ce changement subtil mais soudain, sur les raisons de cet écourtement. Il me répond simplement “Oh, seulement une escale.” Je reste perplexe mais ne dis rien ; je me tiens sur mes gardes. Après un petit temps d’attente, je décide de questionner un autre passager, un garde cette fois-ci. Je lui demande, le ton baissé, où est-ce qu’on va, et je sens un inconfort s’installer en lui, lorsqu’il prétend ne pas avoir été mis au courant de l’escale. Je commence réellement à m’agiter ; je cherche mon téléphone, mais je me souviens qu’on me l’a pris au début du vol ; je décide de me rassoir, afin de me calmer et de comprendre le potentiel danger que je sens arriver.
Ce n’est que quelques minutes plus tard que le garde que je viens de questionner s’assoit à côté de moi, sans tourner la tête vers moi, et qu’il me dit : “Mon frère s’est fait arrêter parce qu’il a mal suivi les ordres de son général, il a souffert en prison pendant des mois, il s’est fait torturer, une souffrance que jamais toi ou moi ne pourrons comprendre, et tout ça par ta faute. Je me dois d’obtenir justice, et je l’obtiendrai, pour lui.” A ce moment-là je me lève et je crie : “Arrêtez-le ! C’est un sale traître ! Il travaille pour l’ennemi, il veut me nuire !”. Personne ne bouge, mais tous les regards sont posés sur moi. Je perçois dans tous ces yeux un mélange de haine, de tristesse, de honte, de peur. Je hurle : “Mais qu’est-ce que vous n’avez pas compris, arrêtez-le sur le champ !”. Toujours aucune réponse, l’air est comme tétanisé. Je vois seulement un de mes hommes s’approcher lentement de moi – tout en gardant une certaine distance – et sortir un papier avec une liste de noms, qui ne m’interpellent pas. Il finit son énumération par “son frère…” en pointant du doigt le garde de tout à l’heure, “sa mère”, en montrant un autre garde, “son père” en regardant un conseiller, “sa femme et ses enfants.” en se retournant vers le pilote. Il continue ; “toutes ces personnes chères à nous ne sont pas seulement mortes, elles ont aussi vécu l’horreur, l’humiliation, la déshumanisation, la souffrance extrême, physique et morale”. La seule idée qui me vient à l’esprit est : des traîtres, tout autour de moi, une bande de traîtres. Ces personnes emprisonnées paient pour leurs crimes, qu’elles ont commis contre moi, mais aussi contre ma nation tout entière, elles méritent ce traitement.
Le garde ne s’arrête pas, il énumère maintenant les actions commises dans mes prisons (comme si je n’étais pas au courant de ce qu’il s’y passait) ; je décide de me rasseoir et de fermer les yeux, je ne peux rien faire à bord de cet avion, je n’ai pas d’allié. Je laisse couler et réfléchis à une solution pour l’atterrissage. Jusqu’ici je ne pouvais pas me faire arrêter par la Cour Pénale Internationale, puisque je n’ai pas ratifié le Statut de Rome, mais je ne sais pas encore vers quel pays je me fais emmener. Je pourrais peut-être aussi me dédouaner de la plupart de mes supposés crimes, étant donné que j’ai seulement donné des ordres (de manière confidentielle), et que je n’ai en aucun cas agi. Ce qui m’inquiète réellement, c’est l’avenir de mon pays, pays pour lequel j’ai tout donné ; si je ne suis plus là, qui va prendre le pouvoir ? Des groupes terroristes extrémistes, qui vont semer la terreur contre les mauvaises personnes ? Ou bien des incapables, qui ne vont mettre aucun ordre au sein de mon cher pays, laissant place à l’anarchie, au chaos ? En arrière-plan, j’entends : “conditions inhumaines et dégradantes, manque de soins, de nourritures, viols de masse…” ; ça ne s’arrête pas. Puis une série de chiffres, qui ne font qu’augmenter ma colère : des milliers et des milliers de traîtres, d’incapables qui n’ont eu que ce qu’ils méritaient. Je pourrais peut-être fuir en arrivant… Non, impossible ; je connais la force de mes gardes, je ne vais pas réussir à m’enfuir. Je cherche un potentiel fidèle dans tous les hommes qui m’entourent, mais tous regardent droit devant eux, ne m’accordent aucun regard. Personne ne m’aidera. Comment peuvent-ils être cruels à ce point ? Comment peuvent-ils me jeter dans la gueule des loups, eux qui m’ont suivi et soutenu depuis plusieurs décennies, eux qui m’ont accompagné dans chacune de mes décisions ? Tout cela était-il donc faux ? Ces questions fusent dans ma tête, je ne sais plus quoi penser.
Je ne peux me reposer sur personne, je suis livré à moi-même. Quelques minutes plus tard, l’avion atterrit. Je sens mon cœur battre dans ma poitrine, de plus en plus fort, jusqu’à couvrir mes pensées; je n’entends plus que ça. Deux de mes gardes me prennent un bras chacun et m’escortent pour sortir de l’avion. Je vois alors une vingtaine de policiers français qui m’attendent, et une foule énorme ; certains crient, d’autres pleurent, et d’autres me toisent en silence. Je regarde droit devant moi, le regard vide. Comment ai-je pu en arriver là aussi rapidement, malgré toutes mes bonnes intentions ? Les policiers me menottent, je n’essaie pas de me défendre. C’est alors que j’entends : “Bachar el Assad, vous êtes en état d’arrestation pour complicité de crimes contre l’humanité pour les attaques chimiques perpétrées en août 2013 contre les populations de la Ghouta, ainsi que pour les crimes commis dans les prisons du régime baasiste, dont vous êtes le chef, notamment dans la prison de Saidnaya, qualifiée d’abattoir humain.”
24 mars 2026 Plus de 2 ans de procès plus tard, le juge de la Cour Pénale Internationale a annoncé le verdict : Bachar el Assad est condamné à perpétuité à prison ferme. Depuis plusieurs années, il a été la cause de la mort et de la souffrance de milliers de personnes, victimes de son régime autoritaire, répressif et anti-démocratique. Pour réussir à l’arrêter, il a fallu qu’un bon nombre des gens qui travaillent pour lui le trahissent, après avoir vu les dégâts de sa politique arbitraire et violente, allant à l’encontre des droits de l’homme ; cela signifierait que Bachar el Assad a commis lui-même une erreur, lorsqu’il a enfermé et torturé des proches de ses conseillers et gardes.