Nouvelle écrite par Cali N’Diaye et Camille Heidar, élèves de 3ème au collège Victor Hugo de Besançon – Classe de Mme Valérie BOUJON
2 Février 2015
Ma chère Izumi,
Te voilà de retour en Chine ! Ça m’a bien fait plaisir que tu sois venue me rendre visite ici à Paris. J’espère que tu t’es autant amusée que moi pendant ces quatre derniers jours. Mais bon… quatre jours c’est quand même très peu ! On n’a pas eu le temps de tout se dire. Mais n’aie pas d’inquiétude ! Dans quelques semaines, ce sera moi qui viendrai te voir en Chine. Je vais bientôt acheter mes billets pour Wuhan, je t’écris dès que je l’ai fait.
Sinon, comment était ton retour en Asie ? Mes parents ont entendu aux informations que quelque chose n’allait pas en Chine. Alors tout va bien ? Enfin je ne pense pas que ça te concerne. Comment vont les études ? Tu t’amuses bien avec tes amis ? Y a-t-il un garçon que tu apprécies plus particulièrement ? Je veux tout savoir ! De mon côté, le lycée, c’est une catastrophe. J’ai d’horribles notes en maths. Je n’y comprends rien ! Et dire que toi, t’as toujours été bonne avec les chiffres ! Je t’envie. Sinon, je suis toujours fâchée avec mon amie Julie, tu sais, je t’en avais parlé pendant ta visite. Mais je ne pense pas que ça dure longtemps. Je te tiens au courant de tout ça. Ecris-moi vite !
Des bisous,
Manon
12 Février 2015
Mon amie Manon,
Qu’est-ce que ça fait du bien d’avoir de tes nouvelles après cette semaine incroyable ! J’aimerais tellement pouvoir te rejoindre encore une fois à Paris. La vie en France est si belle ! C’est dur de revenir à ma vie normale après ces vacances géniales ! Qu’est-ce que c’était agréable…
A Wuhan c’est beaucoup moins bien. D’ailleurs, tout a bien changé depuis que je suis revenue… Comme tes parents ont dû entendre aux infos, il y a maintenant des personnes qui persécutent les musulmans ouïghours comme ma famille et moi. Je ne sais pas encore à quel point c’est sérieux mais j’espère que tout va se calmer. Ah ! J’allais oublier ! Tu sais, Ayato, le garçon dont je t’ai parlé il y a quelques mois, le grand brun aux yeux noisette. Tu sais ? Je t’ai même envoyé une photo ! Celui que j’apprécie beaucoup… Enfin bref ! Il vient d’avoir dix-sept ans donc il a dû partir dans une sorte de centre militaire. Je ne connais pas les détails exacts mais je sais qu’il avait plutôt hâte de découvrir ce centre. Je suis contente pour lui ! Mais c’est dommage qu’il ne soit plus avec moi pour le lycée. Il va beaucoup me manquer… Mais il me reste toi ! Et je sais que je pourrai toujours compter sur toi et que tu ne m’abandonneras pas malgré la distance.
Ça m’a fait plaisir de t’écrire cette lettre mais je dois y aller maintenant. Il y a quelques militaires qui sont en train de parler avec mon père et je vais aller voir ce qui se passe même si ce n’est probablement pas sérieux.
Plein de bisous à toi et à ta famille,
Izumi, ton amie qui t’aime.
23 Février 2015
Izumi !
Ma pauvre, j’ai reçu ta lettre il y a quelques jours et j’ai eu énormément de mal à trouver le temps de t’écrire à cause du lycée. Je suis désolée qu’ Ayato ne soit plus là pour toi, mais comme tu l’as dit, tu pourras toujours compter sur moi.
Dans quelques jours, c’est mon anniversaire ! J’espère quand même que tu ne l’oublieras pas… En plus de ça, mes parents ont bien accepté de m’acheter le nouvel IPhone, je suis trop contente ! Mais ne t’inquiète pas, je continuerai à t’envoyer des lettres écrites à la main le plus souvent possible pour te montrer ma belle écriture.
Ma famille te passe le bonjour.
Courage à toi. Bisous.
Manon.
28 Mars 2015
Izumi,
J’espère que tu vas bien. Je m’inquiète pour toi. Ça fait déjà un mois que tu n’as pas répondu à ma dernière lettre. Mon anniversaire est passé, j’espérais que tu ne l’oublierais pas, dommage…
Donne-moi de tes nouvelles s’il te plaît.
A très bientôt je l’espère.
Manon
26 avril 2015
Manon,
Désolée de ne pas avoir pu t’écrire pendant si longtemps mais il est arrivé quelque chose d’horrible, il faut que tu me croies ! Il y a deux mois ma famille et moi avons été emmenées dans un…je ne sais pas comment appeler ça, c’est une sorte de camp de rééducation à Xinjiang, très loin de chez nous. Nous avons été enlevés de force de notre maison et embarqués dans une sorte de camion, avec les yeux bandés, les mains attachées derrière le dos pendant un temps qui m’a semblé une éternité. Quand je suis arrivée là-bas, j’avais extrêmement faim mais en voyant les personnes qui étaient déjà là, j’ai tout de suite arrêté de me plaindre. Elles étaient maigres, pâles, recouvertes de traces, de coups sur le corps. Je comprends vite que cet endroit est semblable à l’enfer. Mon père et mon frère nous ont été enlevés quelques heures avant notre arrivée, ma mère et moi ne sommes maintenant entourées que de femmes. A l’entrée de cet horrible endroit, on nous a retiré nos vêtements et obligés à porter des combinaisons bleues de travail. Mais tu ne devineras jamais qui est la personne qui nous a apporté ces affreuses tenues ! Ayato ! Tu n’imagines même pas nos visages au moment où nous nous sommes aperçus, il a fait semblant de ne pas me connaître, je pense pour ne pas être persécuté par ses dirigeants. Ces hommes nous forcent à renier l’islam, à boire de l’alcool, à manger du porc et plein d’autres choses effroyables que je n’arrive pas à t’écrire. Je suis en détresse mais personne ne peut m’aider. Je ne peux pas t’en dire plus mais c’est par le biais d’ Ayato que tu recevras cette lettre, je l’espère. Réponds-moi grâce à son adresse. Souhaite-moi bonne chance.
Izumi.
4mai.2015
Izumi !
Je viens de lire ta lettre et je n’ai tout simplement pas les mots. C’est horrible ! C’est affreux ! Encore pire c’est atroce ! Je n’arrive pas à y croire…
Ma chère amie que j’aime tant…est dans un endroit effroyable ! Je crois que je n’ai pas encore réalisé ce qui t’arrive…J’ai l’impression d’être dans un rêve, non, un cauchemar ! Un mauvais cauchemar. Je suis tellement désolée pour toi, est-ce que je peux faire quelque chose ? Je ferais n’importe quoi pour t’aider, tu n’as qu’à le demander. Je ne peux quand même pas rester en France les bras croisés. J’espère du fond du cœur que tu vas t’en sortir. Courage à toi et à ta famille. Toutes mes prières sont avec toi. Je t’aime.
Ta fidèle amie,
Manon
16 mai 2015
Izumi,
J’espère que les choses s’arrangent un petit peu. J’ai réfléchi à quelque chose qui pourrait vous aider, toi et ta famille. Avec mes parents, nous avons essayé de contacter des associations qui agissent à l’international et qui sauvent plein de gens dans différents pays, mais je ne veux pas te faire de faux espoirs car elles ne nous ont pas encore recontactés. Je te donnerai des nouvelles dès que possible. Bon courage, j’espère que tu vas t’en sortir.
Je suis avec toi.
Manon
28 Mai
Bonjour Manon,
Je suis désolé de t’informer que ce n’est pas Izumi qui t’envoie cette lettre mais Ayato. Si tu ne me connais pas, je me présente : je suis un très bon ami d’ Izumi, je fais partie des gardes dans le camp d’internement. C’est grâce à moi qu’Izumi a pu rester en contact avec toi. Depuis qu’elle était arrivée dans ce camp d’internement, j’avais travaillé sans cesse chez moi pour trouver une solution qui lui permettrait de sortir d’ici. Je voudrais que tu saches que je ne travaille pas dans ce camp d’internement par choix, mais par obligation. Pour en revenir à mes recherches, j’avais enfin élaboré un plan pour les faire sortir d’ici, elle et sa mère. J’avais trouvé quelqu’un pour les ramener à Wuhan, je m’étais arrangé avec un garde pour nous couvrir, je me suis arrangé avec un autre pour les faire sortir… J’étais à deux doigts de les sauver, de la sauver… de sauver la femme que j’aime, mais Dieu en a décidé autrement.
Sa mère est tombée malade. Gravement malade. Izumi a demandé plusieurs fois à plusieurs responsables de lui donner des médicaments, de la soigner, mais à chaque fois, ils disaient non. Alors, elle a volé les médicaments nécessaires. Mais elle a été attrapée. Elle a essayé de se débattre et s’est fait exécuter. Je suis vraiment, sincèrement désolé.
Je sais que ça doit être un choc pour toi, tout comme ça l’a été pour moi. Ça m’a pris énormément de courage de t’écrire cette lettre, mais il fallait tout de même que tu l’apprennes, c’est ton droit. Je suis désolé de te lâcher cette bombe comme ça mais je ne suis pas très doué avec les mots, j’espère que tu me pardonneras. Prends bien soin de toi et de ta famille.
Toutes mes sincères condoléances,
Ayato