Kalach

Moi, moi je suis enfant, enfant soldat.

Moi, enfant en danger,

Moi, enfant dangereux.

 

Les joues encore glabres,

J’ai déjà dans mon regard bien peu d’aménité.

Je n’ai pas eu la chance d’être écolier.

Enlevé à mes parents,

J’ai été enrôlé de force à huit ans.

Issu d’une minorité religieuse, les Yézidis,

Minorité persécutée

Persécutée par les djihadistes en Irak et surtout en Iran.

Dans ma main, je tiens une arme,

Une arme qui abâtardit.

Sur ma kalach, il y a des pièces

Des pièces américaines, allemandes, françaises

Des pièces récupérées sur des cadavres de militaires,

Militaires qui ont combattu contre Daech.

J’ai pu assister à énormément de trafics.

La vente d’arme est devenue ici un véritable business.

 

Moi, moi je suis enfant, enfant soldat.

Moi, enfant en danger,

Moi, enfant dangereux.

 

Je fais partie d’un vil bataillon.

Nous sommes vingt-six enfants tourmentés.

Je reste dans mon coin, à soliloquer.

Pourquoi cette violence ?

Je me rappelle le lendemain de mon huitième anniversaire,

Dernier jour de ma si tendre enfance.

Attaque, explosion, meurtre !

Depuis, rien n’a changé !

J’entends tous les jours des pas,

Beaucoup de pas,

Des pleurs,

Des cris,

Des hurlements,

Des tirs de balles,

Des explosions,

L’Enfer!

J’entends les pleurs des mères ayant perdu leurs enfants,

Moi, l’enfant soldat qui depuis si longtemps suis orphelin.

Je pense à ma triste vie, par la guerre anéantie !

Ma si triste vie

Pouvant s’éteindre à tout instant.

 

Moi, moi je suis enfant, enfant soldat.

Moi, enfant en danger,

moi, enfant dangereux.

 

Tous les crimes que l’on a pu me faire commettre

En moi, gravés, à jamais resteront

A tout jamais me marqueront.

Tous les jours on m’apprend

A remonter des kalachnikovs

A démonter des M 60.

Pour qu’on assimile plus vite,

On nous organise des jeux, drôles de jeux, jeux de guerre

 

Moi, moi je suis enfant, enfant soldat.

Moi, enfant en danger,

moi, enfant dangereux.

 

Aujourd’hui, mon bataillon et moi,

Sommes pris de court :

Offensive menée par le peuple kurde.

A cet instant, je pense que l’on va nous sauver,

Car, moi, avant tout, je suis victime,

En tout cas, c’est ce que j’ai envie de croire.

J’ai tout de même une petite lueur d’espoir.

Je suis malheureusement bien trop candide.

 

Je dois me battre.

Et ne pas battre en retraite,

Pour ne pas me faire battre.

 

Moi, moi je suis enfant, enfant soldat.

Moi, enfant en danger,

Moi, enfant dangereux.

 

Allongé sur le sol, dans une étroite ruelle,

Sous un ciel caligineux,

Je vois une kyrielle de soldats qui courent.

Enfin ! On va me rendre ma véritable identité !

Enfin ! J’imagine être sauvé.

 

Moi, moi je suis enfant, enfant libéré.

Moi, enfant sauvé,

moi, enfant guéri.

 

C’est la panacée pour moi !

Puis je me retourne

Et dans le reflet de ma kalach,

Je me vois,

Curieusement,

En train d’agoniser.