Nouvelle écrite par Gabrielle MONDON et Célia SAYER
sur le thème « Manifester : un droit à promouvoir et à protéger »
3 jours, 3 jours que, plongée dans le silence, j’écoute la radio.
Pour cacher la vérité, la télé a été infestée de reportages futiles sur « notre sauveur à tous : Barham ».
A 38 ans, il a réussi à contrôler tous les gens trop faibles et trop terrorisés pour résister.
Ici à Téhéran, dans mon quartier du Vème arrondisseMent nous nous sommes révoltés.
Pourquoi devrions-nous suivre son idéalisation d’une femme totalement soumise à son mari ?
Pourquoi nos émotions ne devrAient-elles pas être prises en compte ?
Je m’appelle Elaheh et j’ai déjà passé 33 années sur cette terre ;
33 longues aNnées à supporter un voile contre mon gré ;
33 années à supporter les humiliations et la soumission, mais…
Il y a 3 jours, nous nous sommes révoltées. . .
Il y a 3 jours, nous nous sommes exprImées
Il y a 3 jours, car Mahsa Amani, une jeune Femme, est morte !
Elle a perdu la vie ! Et pourquoi ?
Pour avoir mal porté son voile !
Elle aurait été tabassée par la police des mœurs…
Si violemment agressée que 3 jours plus tard, elle en est morte !
Alors aujourd’hui, c’est fini !
Mes sœurS et moi allons nous révolter ;
Prouver notre valeur en tant que femmes et non en Tant que choses à qui l’on peut tout dicter,
Jusqu’à la façon dont on doit s’habiller !
Nous ne devons plus avoir peur ! Nous voulons vivre !
Nous sommEs chez nous et nous ne partirons pas, même si le chemin pour arriver à l’égalité sera long et compliqué !
Nous sommes mères,
Nous sommes filles,
Nous sommes gRand-mères,
Nous sommes fiancées, mariées ou veuves ;
Nous sommes le passé, le présent, le futur
Nous ne nous cacherons plus !
Ensemble nous sErons plus fortes ;
Alors aujourd’hui nous décidons de vivre !
Aujourd’hui nous militons, cheveux détachéS, voile brûlé,
Certaines sont même seins nus ! Très bien, montrons notre peau !
T-shirt, short, robe aussi courte que l’on veut !
Enlevons tout ce tissu superflu qui nous étouffe et cache notre vraie valeur.
Et la têTe haute nous allons avancer ;
Main dans la main nous nous sommes liées ;
Toutes ensemble nous nous sommes exprimées ;
Grâce à nos pancartes tout juste confectionnées ;
Nous avons déterminé quelles étaient nos priorités ;
Notre peur nous allons la surmonter ;
Et jamais nous n’allons nous arrêter.
Petit à petit, les gens ont commencé à arriver ;
Peu d’hommes sont venus manifester ;
Ce qui à vrai dire ne nOus a pas étonnées ;
Car dans cette société, la femme n’a pas d’utilité, sauf pour procréer.
Au fil du temps la tension commence à monter…
La police essaie de nous empêcher de nous révolter,
Puis Tous ensemble, nous suivons le chemin tracé ;
Malgré la haine qui se déverse de tous les côtés,
Mais la tête haute nous continuerons à dénoncer
La cruauté de ce monde et son inégalité.
PRogressivement, les forces de l’ordre commencent à arriver
Ainsi que la violence qui les accompagne.
Le stress commence à nous gagner,
Avec des bombes lacrymogènes la police nous fait reculer
Peu à peu la cohuE augmente ;
Les gens commencent à se bousculer ;
Puis d’un coup, tout s’arrête
Allongée à même le sol, je me suis réveillée,
Seulement 3 minutes s’étaient passées,
Mais pour moi ce fut comme une éternité…
Seule ma sœur m’a aidée,
Alors que tout le monde me piétinait !
Les 3 kilomètres qui nous séparaient De l’hôpital ont été pour moi une horreur,
Mais aux portes de celui-ci, nous avons été expulsées !
Un oRdre avait été donné par les autorités :
Qu’aucune manifestante ne soit soignée !
3 jours, 3 jours que je suis là à regarder le plafond, alitée.
En mes 33 années de vie rien ne m’a traumatisée à ce point…
Des cris, du sang,des bombes au pOivre .
3 jours, ou plutôt 3 nuits, que cela me hante ; je revois leurs visages, leur supplice, leurs larmes.
3 jours que je suis comme enfermée,
Ils nous ont attaquées, violentées,
Et l’une de mes vertèbres a été brIsée,
Plus jamais je ne pourrai marcher,
Mais je vais continuer à vivre et à me battre,
Ils m’ont peuT-être privée de ma mobilité,
Mais jamais ils ne me priveront de ma liberté,
Jamais ils ne pourront m’enlever mes pensées !