Ma force « Invisible »

Nouvelle écrite par Léane EPALE, élève de 3e au collège Notre-Dame d’Annonay (07) – Classe de Mme Gouttenoire

Sur le thème : « Les discriminations : sources de violence ?»

 

 

            Moi, c’est Lorenzo. Je suis né le 10 novembre 2012. J’ai 10 ans, mais je vais avoir 11 ans en novembre et j’habite dans un petit village d’Alsace. Je suis toujours positif, souriant, drôle et parfois timide. J’aime profiter de chaque instant et passer du temps avec mon meilleur ami, mon chien Vicky, qui a un an. C’est un berger américain miniature. Je n’ai pas de frères et sœurs. Mais mon chien compte comme un être humain. Je suis un enfant comme les autres, enfin … c’est ce que je croyais avant d’entrer en 6ème.

 

            Ribeauvillé, le 4 septembre 2023, Collège Georges Brassens, ça y est, c’est le grand jour. Je suis à la fois stressé et impatient. Mon cartable sur le dos, je me sens grand comme une girafe. Il y a plein d’enfants, ça change des années de primaire. Les personnes ont l’air sympa, je me sens rassuré. Le collège est énorme et ça m’impressionne, pas comme l’école primaire qui était minuscule. Je suis en classe de 6ème1. Je m’installe tout au fond de la salle, les autres élèves sont installés tous deux par deux sauf moi. Les présentations commencent. Je suis le troisième à prendre la parole. J’ai trop peur…

 

  • Bonou ! e appel Oeno.

Un énorme silence s’installe. Les regards se tournent vers moi. Je ne comprends pas ce qu’il se passe. J’ai l’impression que le ciel est tombé sur ma tête. En récréation, personne n’ose m’approcher. La journée d’école est passée, très lentement. Mon sourire s’est transformé en tristesse. Je n’ai pas voulu inquiéter mes parents en rentrant à la maison, je leur ai dit que ça s’était bien passé. Que je m’étais fait de nouveaux copains et copines.

 

            Le lendemain, j’arrive à l’école la boule au ventre. Dans la cour, tout le monde me regarde, ça chuchote, ça rigole. Est-ce qu’on me juge ? Moi, l’enfant sans histoire. Je ne veux jamais faire d’histoire. Je rentre en classe et me retrouve assis tout seul au fond de la classe, encore une fois. J’ai voulu prendre la parole, mais le professeur n’a pas voulu m’interroger. Je comprends donc que le problème vient de la façon de m’exprimer.

 

            La solitude devient mon meilleur ami, en classe je suis seul, dans la cour je suis seul, dans le car je suis seul. Les journées se suivent et se ressemblent. Ma joie de début d’année fait place à la tristesse et mes parents s’en rendent compte. C’est décidé, je ne veux plus aller à l’école, ça ne sert à rien.

 

            Ils m’emmènent voir plusieurs spécialistes, dont une orthophoniste qui fait un bilan pour voir ce que j’ai. Et elle nous dit que je suis dysphasique. Ce sont des difficultés dans l’expression orale et pour faire des phrases. On l’appelle handicap « invisible », car ça ne se voit pas à l’œil nu mais au moment où l’on parle. Je suis rassuré d’apprendre que je n’ai pas une maladie. Heureusement ! Si je me bats, je pourrai me faire accepter par les autres.

 

            Mes parents décident de faire appel à leur amie Sylvie qui est bénévole à l’Association SOLIDARITE INTERNATIONALE. C’est un mouvement citoyen qui mobilise l’éducation aux droits humains et qui tente d’améliorer les recherches. Ils contactent le collège pour qu’elle intervienne afin de présenter la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme du 10 décembre 1948. Ils pensent que c’est un moyen de sensibiliser chaque enfant et enseignant aux droits humains. Le collège accepte de prendre un rendez-vous et lui demande d’intervenir pour aider les enfants en difficulté.

 

            Je décide de prendre ma vie en main et de retourner au collège. Je suis un peu stressé et j’ai encore la boule au ventre. Les regards du passé sont derrière moi, je vais de l’avant. Je retrouve Sylvie qui est prête pour son intervention. Les enfants ne sont pas motivés pour l’écouter mais, peu à peu, ils prêtent attention, ils posent même des questions. Elle précise que l’Association mène des actions en justice pour défendre les droits des enfants et d’autres sujets tels que la torture et les mauvais traitements. A la fin, certains viennent chercher du réconfort auprès d’elle et je me rends compte que plusieurs sont dans des situations difficiles comme moi.

 

            Les jours suivants, les relations se sont améliorées. Je me sens plus joyeux. Des élèves sont même venus me voir pour s’excuser. Il y a eu beaucoup plus d’entraide, d’écoute, de bienveillance et des petites blagues. Le professeur qui ne m’avait pas interrogé le premier jour s’excuse auprès de moi car un élève l’avait énervé. Il a même fait un cours spécial sur les droits humains en expliquant le droit à la vie, à la liberté d’expression, à la sécurité des personnes et le droit au respect de la vie privée.

 

            Une semaine plus tard, Sylvie est de retour au collège. Elle m’explique qu’elle est aussi AESH et qu’elle vient en aide aux enfants en difficultés. Le collège a contacté l’organisme qui s’occupe des recrutements des AESH et Sylvie a été affectée pour aider les élèves avec des besoins d’accompagnement spécifiques.

 

            Je suis ravi de cette décision. Sylvie est un vrai rayon de soleil. Elle est agréable, souriante, belle. Elle a permis aux enfants qui n’avaient pas confiance en eux, d’oser.

 

            Grâce à elle, j’ai mis des mots sur mes maux. Ce handicap « invisible », la dysphasie, que je ne connaissais pas et qui faisait peur à certains et même à moi, est devenu ma force invisible.