Interview

Nouvelle écrite par Sofiane AZEHAF

sur le thème « Le numérique, créateur d’inégalités »

 

Bonjour et bienvenue dans l’émission « Vive le numérique » du 25 avril 2022. Je reçois aujourd’hui André Raymond, 59 ans, résidant en Lozère. Nous menons une enquête sur la fracture numérique et l’illectronisme, c’est-à-dire l’inaptitude d’un individu à utiliser les outils numériques du quotidien. Nous constatons que 16,5 % de la population en souffre.

Nous avons donc lancé un appel à témoin et Monsieur Raymond nous a gentiment répondu. Il a accepté de participer à une interview et il est présent avec moi sur ce plateau aujourd’hui.

– Bonjour Monsieur Raymond, merci d’être avec nous !

– Oh, c’est avec plaisir, ma chère Apolline ! Mais vous pouvez m’appeler André.

– Pour commencer, disposez-vous d’un ordinateur ?

– Oui, j’en ai eu un offert par mes enfants, juste après le premier confinement en juin 2020.

– Pourquoi ont-ils ressenti le besoin de vous en acheter un à ce moment-là ?

– Le premier confinement a été très difficile, j’étais complètement isolé, tout était fermé durant deux mois. Mes enfants ont donc souhaité anticiper un éventuel autre confinement. D’autant que beaucoup de choses ont l’air de se faire via cet outil maintenant.

– D’accord. Et savez-vous vous en servir ?

– C’est bien ça le problème, je n’en ai jamais eu. Et je ne m’en sers jamais. Il me faut à peu près une heure pour rédiger un simple mail !

– Ah, vous savez donc rédiger un mail ? C’est déjà pas mal !

– Vous êtes bien optimiste, il m’a quand même fallu presque deux ans pour y parvenir. En dehors de cela, je sais juste l’allumer et l’éteindre.

– Mais alors, je n’imagine même pas comment vous faites pour les formalités qui se déroulent presque uniquement en ligne… Par exemple, les impôts !

– Et bien… C’est un vrai problème quotidien. Avant, je remplissais une déclaration « papier » mais cela a quasiment totalement disparu aujourd’hui. Et le centre des impôts a récemment fermé !

– Vous faites-vous aider ?

– Je me repose souvent sur les membres de ma famille, mon fils entre autres. Je les embête bien trop souvent d’ailleurs !

– Connaissez-vous d’autres personnes qui rencontrent le même problème ?

– Oh oui ! J’ai beaucoup d’amis dans le même cas. Vous savez, il y a beaucoup de « vieux » inexpérimentés comme moi en Lozère !

– Pensez-vous qu’il existe des solutions à vos problèmes ?

– Il me semble bien qu’il existe des formations, j’avais lu cela dans le journal… papier,   évidemment!

– Oui, vous parlez sans doute du « pass numérique » !

– C’est cela ! Mais je n’ai pas bien compris en quoi cela consistait… Dois-je payer quelque chose ? Ma retraite est assez limitée et je ne pourrais pas me le permettre.

– Pas du tout, c’est une aide mise en place par l’État. Vous disposez en fait d’un chéquier qui vous donne accès à une vingtaine d’heures de formation… et tout cela gratuitement.

– Oh, mais c’est trop beau pour être vrai… Comment l’obtenir ce fameux chéquier ?

– Vous pouvez vous diriger vers une structure locale, par exemple un guichet de service public ou des associations…

– Je veux bien, mais nous sommes limités en matière de service public en Lozère. Rien que pour trouver une pharmacie ou une boulangerie, il faut parcourir dix kilomètres.

– Il existe une Maison de services au public me semble-t-il ; nous pouvons nous renseigner pour vous, si vous le souhaitez !

– J’apprécierais beaucoup, cela m’aiderait infiniment.

– Avez-vous d’autres problèmes à évoquer ici mise à part votre déclaration d’impôts ?

– J’en ai beaucoup ; par exemple la recherche d’informations sur internet, l’accès à mes comptes bancaires, ou encore l’utilisation des logiciels… Même prendre rendez-vous pour une consultation avec un professionnel de santé est une véritable gageure ! Et puis, sans parler des arnaques et du piratage… Je me sens complètement démuni face à tout cela !

– Eh bien, je pense que ces quelques heures de formation vous seront bien utiles. Merci André d’avoir bien voulu répondre à mes questions aujourd’hui. Notre entretien a été riche d’enseignement, cela nous montre à quel point tant d’individus sont démunis face à la dématérialisation des services publics. N’hésitez pas à intervenir à votre tour si vous pensez que votre témoignage peut être utile. Ainsi s’achève cette émission, c’était Apolline, votre journaliste dévouée. A très vite chers téléspectateurs pour une nouvelle enquête dans l’émission « Vive le numérique ! »