Maman, j’ai raté l’avion

Nouvelle écrite par Zélie Mairot , Bérénice Klingelschmitt , Candice Melier et Zorka Lipovak élèves de 1ère au lycée Raoul Follereau de Belfort – Professeurs : Mmes Keller et Gaillard

11 août 2021, Kaboul

Ce midi, c’était purée de carottes-choux fleur, comme tous les midis, depuis mon arrivée. Au début ça surprend, et puis on s’habitue. Ça ne fait que deux semaines que je suis ici, à Kaboul, en Afghanistan et je repartirai bientôt, c’est Joe qui l’a dit. Il rappelle toutes les troupes, bizarre le travail est loin d’être fini. En tout cas pour l’instant, tous les jours se ressemblent : lever à 6h, jusqu’au coucher et on recommence.

 

14 août 2021, Kaboul

Rien de spécial. Les repas sont toujours aussi dégueulasses.

 

18 août 2021, Kaboul

Cet après-midi, j’étais en repos. Mais on nous a annoncé que demain serait une journée très chargée.

 

20 août 2021, Kaboul

Ce matin, lever à 4h. On apprend qu’une association qui militait pour les droits humains a été saccagée par les Talibans. On doit s’y rendre demain.

 

21 août 2021, Kaboul

Aujourd’hui j’ai fait une rencontre très inattendue. Donya, c’est comme ça qu’elle s’appelle. Je ne l’ai vue qu’un bref instant mais je n’arrive pas à me l’enlever de la tête. Je l’ai rencontrée en arrivant dans les locaux de l’association. Tout était saccagé, mais aucune trace des malfaiteurs. Ensuite on a parlé. Elle m’a raconté son histoire : que son père s’est fait arrêter par le gouvernement, il y a quelques mois, car il aurait dit des propos “à l’encontre de la politique gouvernementale ». Il est en prison. Elle a essayé plein de fois de le contacter mais pour l’empêcher le gouvernement fait pression sur elle, ils vérifient ses mails et lui bloquent l’accès à internet. C’est certainement eux qui ont détruit l’association qu’elle avait mis des années à développer…

 

30 août 2021, Kaboul

Aujourd’hui c’était notre tour. A 5h du matin, les chefs nous ont réveillés. J’ai rangé mon paquetage et je suis sorti de notre bâtiment. Le bus pour l’aéroport nous attendait déjà dans la cour. C’était si rapide, trop rapide. Pas le temps de se retourner. Pendant le trajet jusqu’à l’aéroport, j’ai beaucoup pensé à ce que j’ai vécu ici, aux personnes que j’ai rencontrées, à la poussière, à la misère mais surtout à Donya. Je me demande vraiment comment elle va faire pour reconstruire sa vie après tout ça. Non mais franchement, nos chers hommes politiques à qui on obéit en baissant les yeux comme des petits chiots, à part pleurer parce qu’ils ont taché leur belle chemise avec du vin à trois-mille boules, ils ne se rendent vraiment pas compte qu’on les abandonne ? On pourrait les aider, merde ! Qu’est-ce qui va se passer quand personne n’ira contrer les Talibans ? Ils envahiront tout et détruiront tout ce qu’on a essayé de préserver pendant vingt ans. Vingt ans et des milliers de soldats blessés, morts, pour rien, j’enrage…

 

16h25

L’avion était plein. Je prends le prochain qui part demain matin à 6h. Super, la nuit à l’aéroport…

 

31 août 2021, 6h, Kaboul

Cette fois, c’est la bonne ! Retour. A noter que le café de l’aéroport est immonde. Je n’ai pas dormi, j’ai gambergé. Encore. Comment aider Donya et les autres à continuer de se battre depuis la Californie ? Je ne vois aucune solution. Il n’y en a pas, c’est sûr.

 

31 août 2021, 10h, Kaboul

Je n’ai pas pu monter dans cet avion, c’était trop dur. Il faut que je reste.

Pour elles. Pour eux.

Pour elle.